Hugo Villaspasa, dessin 2008

dimanche 27 septembre 2015

Morale










L'entrée en vigueur de l'Enseignement moral et civique dès la rentrée 2015 nous amène, dans le prolongement d'une réflexion sur la laïcité, à repenser le concept de morale. Dès lors qu'il s'agit de proposer une morale commune de portée universelle, on adoptera plus volontiers l'expression d'enseignement laïque de la morale plutôt, au risque de le particulariser, que le vocable de morale laïque. Dans son Dictionnaire, Pena Ruiz dresse d'abord un état des lieux de la situation sociale de la question morale. De fait, nous vivons dans une société immorale. L'égoïsme, érigé en art de vivre, suscite l'incivisme. La mondialisation capitaliste néolibérale a dissous méthodiquement le sens du lien social et assure la revanche de Dieu. En occupant la place laissée vacante par l'Etat, la religion redevient comme le pensait Marx « le supplément d'âme d'un monde sans âme » en dispensant sa morale propre et ses traditions sur le mode caritatif. Exit l'idéal éthique et civique du cosmopolitisme, le patriotisme de l'humanité cher à Hugo. Dans un tel contexte, la morale peut-elle n'être autre chose qu'une incantation dérisoire ? Quelle peut être la crédibilité d'un enseignement moral ? Que penseront les élèves de la disjonction des beaux principes kantiens ou rousseauistes et des pratiques sociales ? Renoncer à l'éducation morale et civique signifierait pourtant accepter la réalité telle qu'elle est sans vouloir un monde meilleur. Sans ignorer la difficulté de la tâche, il faut dès lors l'assumer et l'école est le lieu propice qui devra mettre à distance la réalité sociale en développant une culture universelle et critique, l'autonomie de jugement et le pouvoir de décider. Eviter la reproduction des tares de notre monde mais aussi le moralisme irréaliste et la critique idéologique, tel est le lourd programme qui se présente. En proposant une « instruction qui éclaire la pensée pour mieux conduire l'action », la République laïque doit oser affirmer ses principes et en faire des valeurs et des repères pour tous les citoyens, qu'ils soient athées, croyants ou agnostiques. Deux exigences s'imposent : le souci de l'universalité et la promotion de l'autonomie de jugement. La première pour comme disait Condorcet « rendre la raison populaire » et cela sans prosélytisme. La seconde pour éviter absolument la catéchèse et adopter une approche réflexive et critique. L'instituteur n'est pas un prêtre. Sans édification, sans moralisme non critique, l'enseignement laïque de la morale doit aussi se garder de tout conformisme. Il ne s'agit pas de confondre l'universel avec le consensus d'opinion qui perpétuerait simplement l'idéologie dominante. Si l'objectif est l'émancipation, « l'exigence morale authentique doit être solidaire de la lucidité critique.» La société du moment qui « produit la richesse en créant la misère » (V. Hugo) ne doit pas échapper à ce regard lucide.

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