Hugo Villaspasa, dessin 2008

La désobéissance de l'architecte de Renzo Piano

Renzo Piano, La désobéissance de l’architecte,
éd. Arléa, 2009
La responsabilità dell’architetto, 2004

Extraits :
« L’architecte doit savoir attendre, c’est le seul moyen d’être créatif. Ce métier est un mélange de technique et de spiritualité, de créativité aussi. » p.16
« Il n’y a pas de secret. L’artiste est celui qui réussit à dominer une tekhnè et parvient à l’utiliser pour atteindre son objectif, qui est l’art. L’architecte puise ce qui lui est utile dans l’histoire de l’art et le transforme en quelque chose de nouveau : c’est ce que font tous les artistes. Mais l’architecture est le miroir de bien des choses. Je dis toujours que l’architecture est un art de frontière, parce qu’elle est continuellement soumise aux contaminations, nourrie par quantité d’expressions artistiques relevant d’autres disciplines. L’architecture se nourrit de tout. C’est pourquoi j’ai choisi de mêler les disciplines comme un peintre le fait des couleurs de sa palette. Je ne cherche pas ce qui diffère entres les arts et les sciences, je cherche les similitudes, je ne cherche pas les dissonances mais les assonances. » p. 20
« - Il faut dire, pour commencer, combien le métier d’architecte est complexe. L’architecte en tant que metteur en forme d’un projet est aujourd’hui un personnage pathétique : un personnage d’une autre époque. C’est dans ce sens que j’ai dit craindre le crépuscule de cette profession. Il s’agissait d’une provocation, naturellement, parce que l’architecture existera toujours. Ce que je crains surtout, c’est l’incompétence, la présomption, le manque d’amour pour ce métier. Ce métier est un métier de service, parce que l’architecture est d’abord un service. C’est un métier complexe parce que le moment expressif formel est – comment dire ? –un moment de synthèse fécondé par tout un contexte : l’histoire, la société, le monde réel des personnes, leurs émotions, leurs espoirs, leurs attentes ; la géographie et l’anthropologie, le climat, la culture de chaque pays où tu travailles ; et puis la science, l’art. Parce que l’architecture est un métier d’art, en tant que métier scientifique. C’est même là sa spécificité. » p. 22
« Si ce métier, qui nécessite de regarder au fond de toi et des choses, tu ne le fais pas avec amour, avec passion et dévouement, alors tu risques de tomber dans l’académisme, dans le formalisme. » p. 23
« …aujourd’hui l’architecte doit compter avec les deux grandes révolutions de ce siècle : la première, qui est une révolution d’ordre scientifique et technologique, a totalement changé les matériaux, les techniques, les procédés, les calculs et même la manière de les communiquer ; la seconde, qui est celle d’un échange planétaire, a annulé les distances. » p. 23
« Evidemment, s’il n’y a rien en toi, tu fais seulement un exercice de style. La synthèse dont on parlait t’échappe. J’aime beaucoup cette image d’une architecture-iceberg dont la partie visible est minuscule par rapport à tout ce que tu y mets pour la faire émerger : l’attention aux choses et aux réalités sociales. » p.23-24
« J’ai le vague soupçon que le Bauhaus a été un moment intéressant pout l’architecture, peut-être le dernier de ce siècle. C’est à partir de là que certains ont compris le rôle du social pour définir la cité. Celui du travail manuel aussi. Walter Gropius le dit lui-même : jeunes gens, trouvez-vous avant tout une sagesse et un désir physique de faire les choses, avant de structurer votre tête avec la théorie. » p. 25
« L’architecte doit expérimenter » p.25
« …le franchissement systématique des frontières entre les disciplines. C’est quelque chose de merveilleux pour, comment dire, la fertilisation des terrains. » p. 27
« …l’architecture, qui est si matérielle, ressemble incroyablement à la musique, qui est le plus immatériel de tous les arts. La légèreté, par exemple, appartient à la musique, à l'écriture, à la peinture, mais aussi à l'architecture. En approfondissant, au bout du compte, on trouve plus d'affinités que de différences. Nous trouvons la même curiosité, le même désir de comprendre, de chercher, de connaître. Et nous nous rendons compte que l'angoisse de la création est la même. Il y a des musiciens omnivores, comme il y a des peintres et des architectes omnivores. Ce sont des métiers très semblables. La technique change, et la matière, mais les inquiétudes et les curiosités sont les mêmes, et le désir d'alimenter une réflexion qui puisse englober la tradition, s'en emparer, la trahir peut-être ou même l'insulter. Il y a toujours cette duplicité, jusque dans le travail : un grand respect et une réelle gratitude pour l'histoire - qui nous a donné, à nous les Italiens, tant de choses où nous pouvons impunément puiser - et, en même temps, il y a ce rejet, cette volonté d'aller plus loin, ce refus de se faire phagocyter. Eh oui ! Quelques fois, la tradition - et la nôtre tout particulièrement - est si lourde qu'elle te paralyse. Tu désires la reconnaissance et, en même temps, tu veux réinventer, aller plus loin ... » p.28
«Tu sais, si tu regardes assez longtemps dans le noir, tu finis toujours par voir et par comprendre. […] Et il faut le faire avec désobéissance et un peu d’insolence, ce qui ne gâte rien. […] Il faut de l’optimisme et de l’étourderie pour chercher les choses dans le noir. » p.29
« La technologie doit être utilisée avec discrétion, il ne faut pas en faire étalage. Notre métier tient de l’équilibre entre art et technique. Si tu les sépares, il tombe d’un côté ou de l’autre. Il doit rester en équilibre. » p.32
« Les conditions nécessaires pour créer sont faites de nombreux états d’âme contradictoires. Sérénité et tension, calme et énergie, lenteur, mais aussi rapidité. Je suis quelqu’un de lent ; je ne suis pas quelqu’un qui part et file à toute vitesse ; je laisse les choses se décanter. Pourtant dans la lenteur, il y a une forme de rapidité une grande agilité de pensée. Dans l’esprit de quelqu’un qui écrit lentement et prend le temps de réfléchir, il y a mille connexions rapides, qui sont l’affaire de centièmes de seconde. » p.35
« En réalité, nous pouvons dire sereinement que la technique n’a qu’une incidence minime sur le fond de notre pensée. » p.35
« Tout ne tient pas dans le projet, c’est faux. C’est le chantier qui te dit où sont les priorités, les choix à faire pour des décisions qui, sur le papier, te semblaient peut-être insignifiantes. Un chantier n’est jamais fini ; il est à l’image des bâtiments et de la ville, qui sont des réalisations in-finies ou non finies. Pense à des constructions comme Saint-Pierre de Rome, ou Santa Maria del Fiore, à Florence ; que sont-elles sinon des chantiers in-finis, ou jamais finis ? Tout cela te fait voir l’architecture comme un art de la contamination par ce qu’il y a de laid et de beau : l’architecture, miroir du temps. Ca n’a pas grand-chose à voir avec la technique. » p.36
« …nous avons commencé à réfléchir, dès les années 1980, sur la façon dont nous avions construit les villes : au lieu de les faire exploser, il fallait tenter de les faire imploser, il fallait résorber les vides urbains provoqués par le processus de désindustrialisation ; nous devions essayer de récupérer ces « trous noirs », provoqués par les zones industrielles qui se libéraient au fur et à mesure que la ville, en grandissant, rendait nécessaire le déplacement des activités productives. » p.46
« Notre siècle a perverti la ville, cette grande invention de l’homme. Il en a corrompu les valeurs positives, altéré le mélange des fonctions qui en est la base ; de même que la sociabilité, qui en est le caractère distinctif, et enfin la qualité architecturale, la qualité du bâti, héritage d’un temps qui a été et survit aujourd’hui à grand peine, étouffé et dénaturé dans nos centres urbains. En somme, au lieu de continuer à le faire exploser, nous devrions plutôt compléter le tissu de la ville. Au lieu d’une croissance sans fin, il vaudrait mieux penser à une « croissance durable » ; grâce à elle, les banlieues pourraient se transformer en ville. Tel est notre grand, notre véritable enjeu pour les cinquante prochaines années. » p.46-47
« La « ville heureuse » est un concept qu’il faut introduire jusque dans les banlieues. C’est ainsi qu’on trouvera une voie pour sortir du mensonge, du piège infernal où nous nous sommes engouffrés en construisant des quartiers périphériques, même si l’architecture n’y est pas toujours indigne ; des lieux où il soit possible de vivre et pas seulement des dortoirs. Parce que, tant que ce seront des dortoirs, ce ne seront pas des villes, mais des lieux où la délinquance peut aisément se nicher, ce qui rend tout plus difficile. » p.48
« Mais comment ne peut-on pas être critique devant l’idée de progrès, devant la confiance optimiste et inconditionnelle dont il a fait l’objet, comme devant les idées de croissance et de modernité ? » p.52-53
« Au fond, avec les grands photographes et les grands reporters, nous sommes les derniers voyageurs de ce siècle, et même les derniers du millénaire. Dans ce métier, tu te sens un peu comme James Cook, comme Magellan. Monter un projet, c’est un peu comme explorer : c’est « l’aventure de la pensée ». Tu vas, tu parcours le monde, tu découvres de nouvelles terres, de nouvelles cultures, de nouvelles traditions. Alors tu cherches à comprendre ; tu voles peut-être, tu empruntes au milieu, à la nature, aux éléments : les pierres, l’eau, l’air, les arbres, les couleurs, le vent… […] Mais comment être insensible au point d’imaginer un projet qui puisse convenir aussi bien à New York qu’à Paris, par exemple ? » p.55-56
« On ne rivalise pas avec la nature, qui est inimitable, mais on peut humblement essayer de reproduire le processus. » p.58
« L’architecture est un phénomène local en ce qu’elle est liée aux traditions, aux cultures, à l’histoire, aux croyances religieuses, mais elle est aussi universelle, parce que les idées de protection et de religiosité sont universelles : de la cabane à la maison, à l’église. » p.58
« - Dans notre monde globalisé, n’y a-t-il plus aucune place pour la diversité ?
- Si, elle peut avoir sa place, même dans notre culture globale. Il suffit de rappeler les grands thèmes vitaux à nos consciences endormies. Nous en avons déjà parlé : l’attachement à la terre, le rôle irremplaçable des traditions et des coutumes, le respect des personnes âgées, le culte des ancêtres. » p.61
« Vivre et accepter une société multiethnique signifie comprendre, comme le soutient Jacques Derrida, qu’ « il n’y a pas de culture ni de lien social sans principe d’hospitalité. » p.67
« Mais une ville est comme un livre d’histoire : il ne sert à rien d’en arracher une page parce qu’elle ne nous plaît pas. La ville a une mémoire très longue, comme celle des éléphants. Elle peut effacer, elle n’oublie pas. » p.74
« L’architecture est quelque chose de dangereux. C’est un art socialement dangereux parce qu’imposé à tous. L’architecture impose une immersion totale. Ce n’est pas comme composer de la musique ou écrire une comédie. […] Une musique laide, on peut ne pas l’écouter, un tableau laid, on peut ne pas le regarder, mais un immeuble laid reste là, devant nous, et nous sommes bien obligés de le voir. »
« A vrai dire, je n’ai jamais bien compris pourquoi l’architecture, pour être une chose sérieuse, doit incarner la souffrance. […] La ville doit exprimer la joie. Bien sûr, il faut que notre approche soit légère ; obstinée mais légère, et avec un certain sens of humour. […] Une ville doit être intense, et non pas lourde et grise. Il y faut naturellement de l’équilibre, parce que la ville n’est pas non plus un village pittoresque […] Une ville est une magnifique émotion de l’homme. La ville est une invention, mieux : c’est l’invention de l’homme ! La ville n’est pas un fait virtuel, c’est un fait physique, parce qu’elle est pleine d’humanité. La ville est un perpétuel devenir… […] Une ville est « lente » par définition, elle s’agrandit à doses homéopathiques et non de manière chirurgicale ; elle a des temps physiologiques longs. Une ville n’est pas planifiée, elle se fait d’elle-même. Il suffit de l’écouter : la ville est le reflet de bien des histoires. […] La ville est faite « aussi » de chefs-d’œuvre. Mais avant tout, elle est faite d’un tissu qui respecte et reflète chacune de ses « histoires », toujours différentes l’une de l’autre. » p.85-88
« Moi, je suis un architecte, je ne prêche pas la morale : je la dessine et je la construis. » p. 88
« Tout compte fait, ce qui est beau dans la ville, en tant qu’invention de l’homme, c’est qu’elle est un lieu de rencontres, de surprises. Ce qui la rend gaie et joyeuse : c’est qu’elle est un lieu de rencontres imprévisibles. La place ! Un lieu où les gens aiment se retrouver, flâner, se promener, se rencontrer… […] Ce qui fait une ville, c’est la complexité de ses fonctions. Le fait que, dans un même lieu, sur une même place, il y ait des résidents, mais aussi des gens qui viennent se divertir, qui vont au théâtre et au cinéma, font des achats, des visites, qu’il y ait des touristes dans les hôtels ; d’autres qui viennent pour travailler. Un mélange de toutes ces fonctions dans un même lieu : c’est ça qui fait la ville. C’est cette intensité qui donne une dimension nouvelle à la ville. Et c’est ce mélange que le siècle a vu dégénérer. » p. 89-93
« Ce métier d’architecte est délicat et dangereux pour l’architecte lui-même, mais surtout pour les autres. […] Je voudrais ne faire aucun projet qui ne puisse être accompagné du message fort et clair d’une responsabilité qui ne soit pas seulement esthétique, mais aussi morale. » p.106
« Les villes sont belles parce qu’elles sont construites par le temps » p.111
« …la ville est plus qu’un ensemble d’édifices, d’institutions, de rues ou de places. La ville est multiethnique par définition. Et elle est métissée parce qu’elle est le creuset de bien des manières d’être qui en elles se rencontrent, s’opposent, se fécondent et s’enrichissent. La ville est une manière d’être ; c’est un état d’esprit, une atmosphère mentale, une sensation. La ville est une émotion. » p.112
« La place est un lieu de rencontre et d’échange : c’est le microcosme où se reflète la complexité multiforme de la ville entière. » p.115
« L’architecte cherche toujours l’Atlantide. De telle sorte que l’idée absurde, confuse de changer le monde, ne peut lui faire défaut. […] Les villes ne doivent plus s’étendre, mais elles doivent s’achever par une croissance durable qui vient combler les « trous noirs » piégés par une croissance chaotique et désordonnée. […] Cette idée de croissance sans limites a fait exploser les villes, elles se sont répandues en taches d’huile, en créant de terribles banlieues, murs sans âme, sans ces structures dont une société a besoin pour vivre et s’organiser. Aujourd’hui les villes doivent retrouver un sentiment d’urbanité, je dirais qu’elles doivent imploser au lieu d’exploser, pour redonner une âme à ces fragments urbains oubliés. […] Notre siècle a fait dégénérer la ville, cette grande invention de l’homme, il en a corrompu les valeurs positives, il en a altéré le mélange des fonctions, la qualité architecturale, et même la sociabilité. Bref, c’est au travers d’une croissance durable que les banlieues peuvent redevenir des villes. » p.117-119
« Depuis l’antiquité, l’architecture aspire à être universelle, mais sa définition est locale. Locale au sens étymologique du terme, véritablement. C’est toujours en rapport avec le lieu, avec l’environnement où il se place, à cette culture qui est accrochée au terrain, au territoire. Paradoxalement, l’universalité du message tient justement à la capacité du langage architectural à se conformer au lieu, à l’environnement, à la culture qu’il exprime. Et à se conformer à son époque. Parce que l’architecture doit pouvoir exprimer l’époque où elle naît. Aujourd’hui, l’universalité du langage, même si elle n’est pas déterminante, est certainement influencée par la rapidité de la communication, par les nouvelles technologies, qui mettent facilement les personnes, les cultures et les traditions en contact entre elles, donnant vie à une contamination encore jamais éprouvée par l’humanité. » p.126
« La capacité de l’architecte tient dans son aptitude à saisir l’occasion offerte par une culture donnée, à la fois enracinée et diffuse, par un environnement et une société ; elle tient dans la re-connaissance et la valorisation potentielle que d’autres ne voient pas. » p.126-127
« L’architecte est une sorte d’explorateur capable de reconnaître ce qui a bel et bien été fait avant lui. » p.128
« Si tu dois être révolutionnaire, essaie d’abord de l’être dans ton métier. » p.128
« L’architecture est un art de frontière. Il faut accepter d’être contaminé, se laisser provoquer par tout ce qui est vrai, c’est là une raison d’être de l’architecture. Sinon, c’est un simple académisme. » p.131
« […] il y a une profonde similitude entre la musique et l’architecture, même si leur rapport à la matière est radicalement opposé. […] Oui, dans la musique comme dans l’architecture, tu retrouves le même désir de précision, d’ordre mathématique, géométrique, les mêmes certitudes, les mêmes trahisons, peut-être. […] En architecture comme en musique, il existe des structures, le grain, la vibration, la couleur. Toutes deux utilisent la technique en virtuoses, elles ont les mêmes mécanismes et une même trame, qui est l’inspiration. » p.131-132
« Expérimenter, essayer, comprendre que, pour ramener les structures à l’essentiel, il est nécessaire d’ « enlever » certaines choses, de travailler par soustraction, comme font les sculpteurs avec le bloc de marbre afin de libérer la forme qui est à l’intérieur. C’est seulement quand tu as fini d’ « enlever » certaines choses que tu parviens à comprendre ce qui est vraiment nécessaire, l’essentiel. […] En cherchant la légèreté, soudain tu tombes sur autre chose d’important et de précieux pour donner corps au langage poétique : la transparence. Parce qu’à force d’enlever, tu ôtes aussi son opacité à la matière, tu la rends transparente et lumineuse. En somme, la légèreté est l’instrument, la transparence est le contenu de la poétique. » p.134
« C’est un geste inutile et présomptueux que de vouloir innover à tout prix, en ignorant que l’architecture se fonde sur un grand patrimoine commun en perpétuelle évolution. » p.137
« Qu’on soit poète, peintre, architecte ou savant, l’essentiel est de ne jamais trahir son métier. » p.139
« Je crois qu’en architecture, il existe une morale, une éthique, si tu préfère, faite de cohérence avec ses idées, ses principes, son engagement, sa méthode. Le problème, s’il y en a un, est de savoir comment pratiquer la moralité sans devenir moralisateur, comment être obstiné sans devenir dogmatique. La réponse est, une fois encore, la légèreté. Je pense qu’on peut se servir légèrement de la méthode, comme de l’intelligence. » p. 146
« L’architecte s’engage dans un projet de vie commune. » p.151
« Bien sûr, le chemin de l’architecte est semé d’embuches. Mais il ne faut pas renoncer au goût de l’aventure. Dans notre métier, nous explorons des mondes possibles. C’est pourquoi il est dangereux. Suis-je imprudent, comme on l’a dit de moi un jour ? C’est possible. Mais je ne me lasserai jamais de demander quelle vertu peut être une prudence qui te fait hésiter devant chaque risque dans un métier où l’on doit inventer le futur. L’espoir repose alors sur cette petite voix intérieure : si tu l’écoutes, elle te guide dans les passages les plus difficiles. » p.155
« Je cherche à utiliser aussi des éléments immatériels, comme la légèreté, la transparence, les vibrations de la lumière. Je crois qu’elles font partie de la composition, au même titre que les formes, les volumes, les matériaux. » p.158
« L’architecture est sémantique, comme la musique ou le roman. Elle est le symbole de quelque chose qui, au-delà de la solidité de sa structure et de son rôle de protection, exprime, raconte, résume l’histoire d’une construction et du lieu dans lequel elle s’érige. » p.163
« […] l’architecture s’exprime avec un langage qui, quelque fois, en allant au-delà de l’aspect rationnel, logique, philosophique, peut devenir poétique et chanter. C’est assez vrai quand on y pense. Il y a des architectures qui chantent, au sens métaphorique du terme. Elles peuvent même, parfois, chanter réellement. » p.165
« L’architecture est un art étrange, tu sais, universel et en même temps très local, et, comme tel, c’est un art qui joue souvent sur deux dimensions : celle ancrée à la terre (la dimension trouvée, inscrite dans l’ADN du lieu, le genius loci), et la dimension construite. Il y a toujours un rapport entre le found (le trouvé) et le built (le construit), où le « trouvé » est plus ou moins la ville elle-même, le topos, la nature du lieu qui t’est confié. Et alors tu comprends que, pour savoir construire, il faut savoir écouter. Tu vois, il est faux de penser que les villes ne parlent pas, mais il est vrai que, souvent, les architectes ne savent pas écouter. » p.167
« Dans ce métier, l’intelligence et la beauté comptent beaucoup, mais ne sont pas fondamentales : la passion demeure toujours essentielle. » p.173
« Je refuse l’idée qu’une ville, pour progresser, vivre et s’épanouir soit confiée au rite païen de la consommation. »
« Un architecte ne doit jamais imposer sa propre marque au paysage, mais avant tout le lire. Il doit étudier le climat du lieu, les vents, la végétation, les lumières selon les saisons. » p.176